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Évangile selon Saint Matthieu 1, 18-24


« Comme Joseph, son époux était juste, et qu’il ne voulait pas la livrer, il eut dessein de la renvoyer secrètement. Lorsqu’il était dans cette pensée, l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : ”Joseph, fils de David, ne craignez point de retenir Marie votre épouse ; ce qui est formé en elle vient du Saint-Esprit, Elle mettra au monde un fils que vous nommerez Jésus, car c’est Lui qui délivrera son peuple de leurs péchés.” Or tout ceci s’est fait pour l’accomplissement de ce que le Seigneur a dit par le prophète : Voilà qu’une vierge concevra, et mettra au monde un fils que l’on nommera Emmanuel, ce qui signifie : Dieu avec nous. Joseph étant donc éveillé, fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et retint son épouse. » (1, 19-24)

On peut considérer bien des choses dans ce passage : nous en remarquerons quatre :

  • 1° le silence de la Très Sainte Vierge,
  • 2° les perplexités de Saint Joseph,
  • 3° la vie de Marie et de Joseph depuis l’apparition de l’ange jusqu’à la naissance de Notre-Seigneur,
  • 4° notre vie à nous semblable à la leur, puisque comme eux nous avons Notre-Seigneur entre nous, contre nous, dans le Tabernacle, et puisque comme la Très Sainte Vierge, nous L’avons en nous corporellement au moment de la Sainte Communion et spirituellement à toute heure par la communion spirituelle.

1° Admirons le silence de la Très Sainte Vierge et faisons-en le modèle du nôtre… Il jette du jour sur sa vie cachée avec Saint Joseph, nous montre à quel point leur vie était une vie religieuse, de recueillement et de silence : combien ils vivaient ensemble non comme un époux et une épouse terrestres, mais comme deux religieux, observant entre eux le silence religieux, chaque fois que le devoir ne leur commandait pas de parler. La Sainte Vierge, si éclairée, ne croit pas devoir rompre ce silence pour faire part à ce grand Saint à qui elle était si unie en Dieu une communication de cette importance : non, le silence vaut mieux : «Savoir ce qu’on doit faire, et, quand on le sait, le faire et se taire» c’est tout ce qu’il faut, dit Saint Jean de la Croix… […]

2° Les perplexités de Saint Joseph… Que pensa Saint Joseph en voyant les signes de la divine maternité de la Sainte Vierge ? Cent opinions ont été émises à ce sujet… Aucune n’est parfaitement satisfaisante : les unes concordent mal avec le texte du Saint Évangile, d’autres satisfont peu notre piété… Il est certain que le texte sacré laisse place à plusieurs interprétations… Est-ce défaut ? Qui oserait le dire ? S’il y a obscurité, cette obscurité est voulue. L’Esprit-Saint, à dessein, a laissé ce point dans l’ombre et Il l’a indiqué cependant : Il ne l’a pas éclairci pour que nous ne nous y arrêtions pas, Il en a dit un mot pour nous donner un enseignement…
Pourquoi a-t-Il laissé ce voile ? D’une part Il a voulu être bref, et comme il le dit dans Saint Jean, s’Il avait voulu faire connaître tout ce qui concerne Notre-Seigneur, «la terre ne suffirait pas à contenir tant de livres». D’autre part parce que ce dont il s’agit concerne moins Jésus que Joseph et Marie, et l’Esprit-Saint n’écrit pas l’Évangile de Marie ni de Joseph mais l’Évangile de Jésus : voulant nous montrer que c’est JÉSUS, Jésus seul que nous devons avoir comme Bien-aimé et prendre pour modèle, Jésus seul qui doit être l’objet de toutes nos pensées, le sujet de toutes nos méditations, l’exemple de toute notre vie. La Bienheureuse Vierge est a elle seule plus parfaite que tous les anges et tous les hommes ensemble, que tout le reste de la création réuni, la Sainte Humanité de Son divin Fils exceptée : ce n’est cependant pas elle qui est «la voie, la vérité et la vie» : c’est le seul Jésus… […]

L’Esprit-Saint a jeté un voile sur les pensées de Joseph pour que nous ne nous y arrêtions pas ; Il a répandu une sainte obscurité dans ce passage pour que nous passions outre et que sans nous arrêter à la contemplation des parents de Jésus si chéris et si saints qu’ils soient, nous allions au-delà, droit à Jésus. C’est ce qu’ils faisaient eux-mêmes : ils se comprenaient, s’aimaient et se vénéraient comme jamais deux âmes ne se sont comprises, aimées, vénérées ici-bas : mais ils étaient bien loin de vivre dans la contemplation l’un de l’autre, ils vivaient tous deux dans la seule contemplation de Dieu.
L’Esprit-Saint, par la brièveté et l’obscurité voulue de ce passage, nous porte à faire comme ces deux saintes âmes, à regarder comme elles plus haut que toute créature, à ne pas nous arrêter dans la contemplation d’êtres créés si attrayante et si bienfaisante qu’elle puisse être, et à nous fixer dans la seule contemplation de Dieu, de Jésus. En effet, s’il ne nous arrête pas longuement à considérer Marie et Joseph, mais nous fait aller rapidement d’eux à Jésus, à combien plus forte raison ne faut-il jeter qu’un regard rapide sur les autres créatures et les exemples qu’elles offrent, mais monter droit à Jésus, aux paroles de Jésus, aux exemples de Jésus. L’Esprit-Saint, en jetant un voile sur les pensées de Joseph, les a indiquées cependant, pour nous donner un rapide enseignement. […]

3° Vie de Marie et de Joseph depuis l’Apparition de l’Ange jusqu’à la naissance de notre Seigneur… Qui pourrait imaginer la paix, la félicité qui envahissent l’âme de Joseph à la parole de l’Ange ?
Qui pourrait imaginer la vie des deux saints époux pendant ces six mois qui précédèrent la naissance de Jésus ? Eux si saints dès leur enfance, eux si favorisés des grâces célestes et si fidèles à ces grâces, eux qui avant l’incarnation vivaient d’une vie si divine, si perdue en Dieu, dans une si continuelle contemplation de leur seul Amour, de leur Tout, avec quelles délices ineffables, avec quelle reconnaissance émerveillée, dans quelle extase d’amour et de bonheur, dans quel ravissement céleste, ils se noyèrent, s’abîmèrent, se perdirent dans la contemplation et l’adoration de Jésus, de Jésus si près de Joseph, de Jésus en Marie ! Quel ciel fut l’humble toit de Nazareth durant ces mois qui précédèrent Noël ! De quelles adorations, de quel amour, de quelle contemplation Jésus y fut-il l’objet ! Dieu seul en fut témoin, avec les anges qui s’unissaient jour et nuit à Marie et à Joseph pour adorer Jésus dans le sein de la Vierge… […]

4° Notre vie est très semblable à celle de Marie et de Joseph entre l’Incarnation et Noël ; puisque comme Saint Joseph nous avons Notre-Seigneur contre nous, dans le tabernacle ; et comme la Sainte Vierge nous L’avons en nous, corporellement au moment de la communion sacramentelle, spirituellement par la communion spirituelle. Marie et Joseph adoraient Jésus au milieu d’eux, et nous trouvons que c’était bien doux… Jésus est-il moins au milieu de nous ! N’est-il pas dans ce tabernacle aussi réellement, aussi complètement que dans le sein de la bienheureuse Vierge ? N’y est-il pas aussi près de nous qu’il l’était de Saint Joseph ? Y est-il plus caché pour nous qu’il ne l’était pour ses saints Parents en ces mois de bienheureuse attente ! L’avons-nous moins en nous au moment de la sainte communion que ne l’avait en elle la très Sainte Vierge ? Ne pouvons-nous pas l’avoir sans cesse en nous spirituellement, par la communion spirituelle ?… Que nous sommes heureux ? Quelle destinée Dieu nous a fait ! Quelle béatitude divine ! La grâce incomparable que vous avez faite pendant quelques mois à vos saints Parents, vous nous la faites tous les instants de notre vie, ô Dieu de bonté […]  [1].

[1] C. DE FOUCAULD, Commentaire de Saint Matthieu. Lecture Commentée de l’Évangile, Nouvelle Cité, Paris 1989, pp. 48-58.